Mon approche de la dégustation

Classiquement le vin se définit par sa couleur (rouge, rosé, blanc) son mode d’élaboration (sec, moelleux, liquoreux, effervescent…) et ses qualités sensorielles. S’arrêter à cela serait réducteur, car le vin est multidimensionnel. Le vin est plus qu’une boisson, il est culturel.

Pour moi, le vin est une rencontre, et une rencontre n’a pas forcément besoin de longues explications pour être essentielle.

Il y a du plaisir à déguster avec des gens qui aiment sans forcément connaître.

La dégustation intrigue, impressionne, nombreux dégustateurs nourrissent quelques complexes vis à vis du vin, sous prétexte qu’ils ne sont pas spécialiste. La dégustation du vin d’une manière générale c’est d’apprendre à en parler en posant ses mots sur des odeurs, des couleurs, et des goûts. Les gens aiment parler, parler de ce qu’ils ressentent, ce qu’ils ont rarement l’occasion de faire. La dégustation implique des expressions imagées et quelques fois poétiques.

J’aime aborder la dégustation  avec une dimension esthétique. La relation avec le vin peut être très sensuelle. Lorsque l’on déguste, il faut savoir écouter nos ressentis. Apprendre à découvrir ce que le vin nous apporte dans toute sa complexité. On peut donner du corps entre un sens physique et le ressenti.

Je définis également le rapport au vin comme permettant un rapport à la terre.

L’individu recherche d’une part une identité propre par ce qu’il déguste. Pour Hegel, la racine est vraiment une substance noueuse, continue et compacte (Citation de Hegel, in Bachelard G. La philosophie de la nature). Le vin est lié aux racines. C’est pour l’homme le produit de la terre le plus emblématique de ceux qu’il transforme.

Replacée dans le contexte de la mondialisation et de l’uniformisation des goûts et des couleurs, la racine apparaît être pour l’individu un gage de sécurité identitaire qu’il va chercher dans un premier temps, pour ensuite aller à la rencontre de l’autre et à la découverte de son environnement.

Le vin est exporté à la terre et socialise les hommes. Il est un objet transitionnel qui relie le citadin à la terre.

Le vin est un bien matériel qui porte en lui une certaine spiritualité, un rapport à des valeurs.

La société actuelle est régie en grande partie par le temps. Ce constat est d’autant plus important en ville où les horloges sont partout et nombreuses et où les horaires ponctuent le temps. Le temps pour soi est prioritaire et nous pouvons le lier à une volonté de se ressourcer, de se construire une identité personnelle.

Bachelard (1948) « Tous, tant que nous sommes, sans aucune exception, nous avons pour ancêtre des laboureurs »

Le corps humain est particulièrement vivant sensible aux sensations qui l’entourent. La vie moderne enlève les odeurs par la ville ou les parfums artificiels ; le vin permet de redécouvrir ces odeurs de la campagne. Les odeurs des villes sont limitées et la société apporte tout sur un plateau. Les capacités d’analyse sensorielle du cerveau sont alors moins sollicitées. L’homme ressent alors le besoin de faire appel à son corps, trop occulté, et le vin permet cette renaissance, par les sens mais aussi par l’imaginaire et les souvenirs qui y sont liés. Les impressions olfactives se trouvent intimement liées aux émotions et à la mémoire.

Redécouvrir ses sens est aussi s’apercevoir qu’ils se complètent.

Pour moi, le vin c’est d’abord une expérience, toutes les odeurs que le dégustateur découvrira dans le vin, il peut les retrouver dans la nature en se baladant dans les bois, au bord d’une rivière, sur un chemin de campagne… En humant les coins de la forêt, d’un pré, il s’apercevra que les saisons ont des odeurs.

L’anthropologue Claude Lévi-Strauss parlait « de pensée magique » Toute nourriture doit non seulement être bonne à manger, mais aussi à penser.

Lorsque nous dégustant un vin nous nous approprions son terroir, nous incorporons certaines de ses caractéristiques imaginaires… Les vins de terroirs apportent cette part de rêve, et participent au plaisir de boire.

ET C’EST SIMPLEMENT PARTAGER UN VERRE SANS SE PRENDRE AU SÉRIEUX EN PROFITANT DES PERSONNES ET DU MOMENT